Bonne nouvelle pour le grand tetras et les autres espèces protégées du massif de la Pralouse, près de Bellecombe (Jura) : le tribunal administratif de Besançon a annnulé le 30 novembre un arrêté préfectoral qui autorisait des propriétaires à agrandir une piste forestière.
Le 20 février 2020, l’association syndicale autorisée* de la Pralouse avait déposé une demande de dérogation à l’interdiction de perturber des spécimens des espèces animales protégées que sont le grand tétras, la grenouille rousse, l’apollon et la barbastelle d’Europe. Il s’agissait de faire des travaux pour faciliter la desserte de ses parcelles forestières sur les communes jurassiennes de Septmoncel-les-Molunes et de Bellecombe. Le projet de l’ASA portait sur une dizaine de kilomètres de pistes forestières, à créer ou améliorer, essentiellement pour faciliter le débardage. Il avait même bénéficié d’une aide du fonds européen agricole pour le développement rural. Le préfet avait accordé cette dérogation, aussitôt contestée par Jura nature environnement. Le juge administratif vient de donner raison à l’association.
C’est le fait que cette dérogation ne répondait pas à une “raison impérative d’intérêt public majeur”, au sens de l’article L. 411-2 du code de l’Environnement qui a justifié la décision du tribunal, lequel a jugé qu’il était donc inutile de se prononcer sur les autres motifs avancés par Jura nature environnement. Le tribunal a en effet estimé que, même si ces pistes pouvaient favoriser une gestion durable de la forêt en facilitant “des coupes douces et régulières, propices à la préservation des habitats naturels”, permettre “d’intervenir plus facilement en cas d’infection des arbres par le scolyte”, de “lutter contre le débardage non contrôlé, les dépôts de bois sauvages, la multiplication de dessertes individuelles et les coupes fortes, voire rases, effectuées pour rentabiliser l’exploitation de parcelles difficiles d’accès”, la “modestie” de l’apport de ces forêts (96 hectares sont concernés) à l’alimentation de la filière bois ne justifiait pas qu’on fasse exception à la protection des espèces protégées : en clair, les intérêts économiques ne sont pas assez importants pour être “mis en balance”, selon les termes du tribunal, avec l’objectif de conservation des habitats naturels des espèces protégées.
Le grand tétras, appelé aussi grand coq de bruyère, est le plus grand oiseau forestier de France. Abondament chassé, il a disparu des Alpes. Il est encore présent dans le Jura, les Vosges, un peu les Cévennes et dans les Pyrénées, où il continue d’être chassé, bien que l’espèce soit menacée. Parmi les causes du déclin de l’espèce, le Groupe Tetras Jura pointe l’intensification de la sylviculture par un rajeunissement général des futaies résineuses…
*Une association syndicale autorisée (ASA) est une association qui regroupe l’ensemble des propriétaires sur un périmètre défini, pour y réaliser des travaux collectifs allant dans le sens de l’intérêt général. Contrairement aux associations de droit privé (type loi 1901), les ASA relèvent du droit public et sont définies par l’ordonnance n°2004-632 du 1er juillet 2004.