Les choix technologiques et stratégiques que prend l’industrie du sciage présentent des risques économiques importants en termes de destruction d’emplois pour l’ensemble de la filière avec un impact sensible sur l’écologie forestière. La loi de 2014 semble faciliter cette stratégie sans chercher à instaurer la régulation nécessaire à la préservation de l’avenir économique de la filière et écologique de la forêt.
La tendance de l’industrie du sciage, au-delà de l’implantation de scieries de plus en plus grosses, est la recherche d’une mécanisation maximale copiant le système nordique, en équipant les scieries de machine type « Kanter », qui ne scient que de petits diamètres. Ces machines très automatisées sont adaptées aux petits résineux de qualité des pays nordiques, conséquences d’un accroissement lent lié à leur climat. En France les arbres poussent plus vite et les résineux petits sont de médiocre qualité. La course à la mécanisation, conduit aujourd’hui la filière à chercher à adapter la forêt française aux outils les plus productifs avec des conséquences sur le très long terme. Mais le temps du marketing n’est pas forcément le temps des arbres. À moyen et long terme, la stratégie de concurrencer les pays du nord sur leur terrain avec des produits de moins bonne qualité semble très risquée.
Plus grave, cette stratégie détruit le potentiel d’avenir des feuillus français et celui de la production de gros bois résineux de qualité qui nécessitent un temps de croissance plus long avant exploitation. Elle freine aussi l’accès à la ressource d’unités plus petites et plus spécifiques.
Lorsque l’on sait que certaines hypothèses liées au changement climatique, prévoient un rétrécissement de la zone de viabilité des feuillus au centre de l’Europe donc en France, que les importations de bois exotiques ont vocation à diminuer, on peut craindre que l’on ne soit en train de détruire le potentiel économique futur des forêts françaises.
Une domination hégémonique de l’industrie entraînant la disparition de la scierie artisanale et incitant à la monoculture de petit bois résineux est peut-être un moyen de résorber rapidement (momentanément) le déficit du commerce extérieur mais détruira le potentiel d’avenir des forêts françaises, la biodiversité ainsi que les emplois et savoir-faire spécifiques des scieries artisanales proches des zones de production, maillon essentiel des territoires forestiers et souvent les seuls aptes à transformer les gros et très gros bois. La transition écologique et énergétique (anticipée ou subie) conduira à valoriser une relocalisation de la production et une diversification des usages, à condition que l’outil de production existe !
Le chercheur Maurice Chalayer (observatoire de la scierie Française) montre dans son étude prospective qu’à côté des unités industrielles, la scierie artisanale a un avenir économique viable pourvu que les politiques publiques orientent les aides aussi vers les petites structures qui savent encore être innovantes et adaptables et qu’elles préservent leur accès à la ressource.