Au moment où nous entrons dans les derniers jours de la campagne pour les législatives, la question sociale occupe tout l’espace. Dans notre société rongée par les inégalités, les effets de l’inflation sont immédiatement visibles et l’instantanéité du débat médiatique conduit à mettre au second plan la question écologique. Elle ne fera l’actualité qu’après les élections si les citoyens ne s’en saisissent pas. L’initiative d’Adret Morvan de questionner les candidates et les candidats sur la question forestière est donc salutaire.
Nous savons qu’avec le bouleversement climatique (ce mois de mai est le plus chaud dans notre pays depuis que nous mesurons les températures) et l’amplification des sécheresses, les forêts françaises sont plus que jamais menacées par le dépérissement et les incendies. Le Morvan, réputé il y a encore peu pour son humidité, ne fait plus exception.
Nous savons aussi qu’il nous faut mettre tout en œuvre pour enrayer la chute de la biodiversité et réduire d’urgence dans l’atmosphère la part du C02. Il a atteint un niveau jamais vu sur terre depuis quatre millions d’années. Il en va de la survie de notre espèce. Les forêts ayant la capacité de stocker le carbone, il est d’autant plus indispensable de les protéger si nous voulons éviter le chaos écologique et l’impossibilité de répondre aux besoins vitaux de toute la population, non seulement en air respirable, mais aussi en eau saine puisque les écosystèmes forestiers stockent et filtrent cette ressource indispensable à tout être humain.
L’échéance n’est pas au siècle prochain. C’est pendant la prochaine législature, disent les scientifiques du Giec, que les décisions doivent être prises pour le climat. Le préalable est évidemment de reconnaître que les forêts sont des biens communs et qu’à ce titre, leur gestion répond à des exigences écologiques d’intérêt général avant de satisfaire des intérêts économiques.
L’argent, même liquide, ne se boit pas.
Lors de l’Assemblée des luttes forestières dernièrement encore, des voix indépendantes et unanimes ont renforcé ma conviction : il faut sortir le plus rapidement possible du modèle industriel sylvicole productiviste que l’actuelle majorité encourage en distribuant les subsides de l’État sans aucune conditionnalité environnementale.
Je souhaite qu’il en soit tout autrement : que les aides publiques soient réservées à des pratiques répondant à la Règle Verte (ne pas prendre à la nature plus qu’elle ne peut reconstituer) et qu’immédiatement, celles portant manifestement atteinte aux écosystèmes comme les coupes rases ne soient autorisées qu’en cas de réelle impasse sanitaire.
La fin des coupes rases peut être le déclenchement d’un cercle vertueux. La course au machinisme entraîne des investissements de plus en plus lourds à amortir. Ils ne trouvent de raison d’être que dans le cadre d’une production de masse, uniformisée comme le sont les monocultures de résineux suivant les coupes rases. Le choix du mieux-disant écologique, donc la diversification des forêts, entraîne la diversification des activités qui lui sont liées, une meilleure adéquation avec les besoins de la population en produits issus de la forêt et leur relocalisation. Protéger réellement les forêts, c’est aussi développer l’économie locale.
Pour que la bifurcation vers une politique forestière écologique ne soit pas un effet d’annonce, il faut bien évidemment donner aux services publics qui établissent les diagnostics comme à ceux qui en contrôlent l’application les moyens d’exercer leurs missions. Qu’ils s’agissent des chercheurs ou des techniciens, ils ne pourront le faire sereinement que si leurs personnels sont assez nombreux, formés, non précaires et exempts de toute pression. Ces missions ne peuvent donc être confiées qu’à des agents de la fonction publique d’État, à l’opposé du choix de la privatisation rampante poursuivie par l’actuel gouvernement, qui a été jusqu’à décider le 1er juin en Conseil des ministres de confier des missions de police judiciaire à des personnels de l’ONF sous contrat de droit privé.
Dans le temps court d’un mandat, il est possible de renverser les choses. Il suffit d’une loi pour interdire les coupes rases. Le texte est prêt.
La nécessaire mise en cohérence des lois qui régissent les forêts publiques comme privées avec la planification écologique est un grand chantier. Il faut l’ouvrir le plus rapidement possible. Députée, j’y participerai activement et mon vote sera d’abord éclairé par l’expertise de citoyens, collectifs et scientifiques indépendants de tout intérêt privé. Les 17 propositions d’Adret Morvan pour la forêt trouveront toute leur place dans le débat.
Marie-Anne Guillemain, candidate NUPES aux élections législatives dans la 2e circonscription de la Nièvre