La coupe à blanc se développe comme technique de récolte des bois (la forêt est coupée rase, puis replantée). Elle est dommageable à l’environnement et à l’emploi. Elle est réputée très rentable mais l’est uniquement à court terme. Elle maintient la forêt dans une structure régulière. À l’opposé, la forêt mélangée (essences multiples) conduite en futaie irrégulière (différentes générations d’arbres), en recherchant et maintenant un capital sur pied favorable à la régénération naturelle, préserve le mieux l’avenir tout en dégageant des revenus réguliers et des emplois qualifiés. La durabilité des plans de gestion devraient être jugées selon ces différentes pratiques sylvicoles. Derrière un discours environnementaliste, les mesures concrètes de la loi de 2014 ne visent qu’à accroitre la mobilisation du bois au détriment de l’environnement et de la biodiversité.
Aujourd’hui dans l’évaluation des plans de gestion, les critères de durabilité sont très légers, ce qui vide de son sens le volet environnemental et social de ces documents. Le mode d’exploitation des bois est pourtant essentiel du point de vue de la biodiversité et du développement durable. La forêt est un écosystème vivant et dynamique générant une ressource indispensable à l’homme, un capital produisant à peu de frais son propre intérêt. Or on continue aujourd’hui le remplacement des forêts feuillues diversifiées dynamiques et stables par des monocultures de résineux productives mais fragiles. Ce remplacement semble intéressant à court terme pour l’industrie et le propriétaire, mais il est coûteux et risqué à long terme pour le potentiel productif de la forêt et pour la filière
Les monocultures de résineux introduites sont souvent exploitées jeunes par des coupes à blanc et à l’aide de machines de plus en plus grosses. Ce mode d’exploitation est destructeur pour l’environnement et dégrade la biodiversité, il nécessite des travaux de reboisement lourds et génère des emplois peu qualifiés. Il est considéré comme rentable sur les délais de retours sur investissement des placements financiers – du moins en cas d’aides publiques au reboisement – mais n’est économiquement pas justifié sur le long terme. Ce mode d’exploitation appauvrit et acidifie les sols (1) ainsi que l’eau. Il augmente l’érosion et les risques d’inondation en aval et peut charger les eaux de surface en nitrates du fait de l’explosion de l’activité bactérienne suivant la mise en lumière du sol. Les machines lourdes tassent les sols et la coupe déstocke massivement le carbone, aggravant le dérèglement climatique. La baisse de qualité des sols nécessitera l’usage d’intrants polluants pour les sols et l’eau. Cette technique est contraire aux préconisations d’adaptation au changement climatique, qui visent à augmenter la diversité des essences. Par ailleurs les monocultures de résineux sont les plus sensibles aux attaques parasitaires et aux vents violents (2), dont la fréquence augmente (3). Enfin, la forêt « gérée » en coupe rase est visuellement peu attractive donc défavorable aux activités de loisirs et de tourisme. Cette technique contraire à l’intérêt général devrait être proscrite sauf pour quelques cas particuliers.
Les solutions permettant une performance économique et environnementale existent, en particulier par la pratique de la forêt mélangée en futaie irrégulière. La mécanisation y est possible et cette gestion génère beaucoup moins de travaux et nécessite des interventions limitées et qualifiées, de l’expert forestier au bûcheron. Elle conjugue préservation de la biodiversité, de l’emploi, des paysages et du savoir-faire des forestiers. Elle permet des productions régulières de gros bois de qualité. Elle est pratiquée avec succès par des propriétaires soucieux de rentabilité et d’alimentation de la filière-bois.
Nous demandons ainsi de favoriser la pratique de la futaie irrégulière et mélangée à l’image d’autres administrations européennes (Rhénanie, Wallonie), d’encadrer la pratique des coupes rases de manière à les réduire aux cas de peuplements dépérissant ou délibérément inadaptés à leur station (sol et climat), et d’orienter les reboisements sur ces coupes vers des peuplements mélangés en équilibre avec leur station. À ce titre, les forêts feuillues n’ont pas à être rasées. Les plans simples de gestion doivent prendre en compte l’impact de ces choix dans l’évaluation de la durabilité. Les codes de bonnes pratiques sylvicoles ne permettent pas un engagement du propriétaire à la hauteur des avantages fiscaux qu’ils procurent.
(1) CRPF de Bourgogne octobre 2012 : Des travaux menés dans le Morvan sur des peuplements de douglas traités en régulier ont montré que couper un peuplement avant 60 ans sur sol granitique risquait, en peu de générations, d’appauvrir irrémédiablement le sol par des exportations d’éléments minéraux plus importantes que les restitutions.
http://www.foret-de-bourgogne.org/files/documentation/fir/Irregularisation_resineux_Bourgogne.pdf
(2) Les forêts françaises après la tempête de décembre 1999 page 19 « les résineux sont tous très sensibles
aux vents exceptionnels »
(3) Une étude de Munich Ré, le numéro 1 mondial de la réassurance annonce une multiplication par trois en 30 ans des phénomènes climatiques extrêmes : http://www.munichre.com/en/media_relations/press_releases/2012/2012_10_17_press_release.aspx