Le 24 septembre dernier, un rapport des services d’inspection du ministère de la Transition écologique (Igedd) et de l’Agriculture (CGAAER) portant sur l’évaluation du contrat 2021-2025 entre l’État et l’Office national des forêts (ONF) et les perspectives du contrat 2026-2030, a été publié.
Ce que dit le rapport :
Le constat de départ est le suivant : le changement climatique affecte durement les forêts (sécheresses répétées, attaques parasitaires, etc.) et les fragilisent. Selon ce rapport, les ongulés sauvages (cerfs, chevreuils…) sont responsables d’une forte pression sur les forêts et compromettent les efforts de régénération naturelle et de plantation.
Il apparaît donc une augmentation des surfaces de forêts en déséquilibre, c’est à dire que la densité des ongulés sauvages sur une surface forestière ne permet plus la pousse des jeunes arbres.
L’étude pointe deux facteurs aggravants : d’une part le changement climatique qui favorise l’augmentation des populations d’ongulés et d’autre part, la baisse du nombre de chasseurs et la mise en place de plans de chasse obligatoires.
À savoir : l’Office Français de la Biodiversité utilise les indicateurs de changement écologique (ICE) dans le cadre de la stratégie de gestion adaptative de la grande faune, ce qui permet de maintenir des populations en bonne condition, avec des effectifs adaptés aux capacités des habitats, dans le respect des différents usages des espaces ruraux.
L’impact des ongulés sur les forêts est aussi économique. Selon l’ONF, les fédérations de chasse ne remplissent pas leurs obligations en terme de régulation des cerfs et chevreuils. Or, les dégâts commis sur les jeunes plantations ont un coût élevé pour l’Etat, qui s’inscrit dans le cadre des subventions d’investissement exceptionnelles pour le renouvellement forestier des programmes France Relance.

Le plan d’action de l’ONF :
Face à ce casse-tête, l’ONF propose un plan d’action global de régulation des ongulés sur la durée du prochain contrat. Ce plan est applicable en fonction des impacts subis par les forêts, après recensement des dégâts. Il s’appuierait sur diverses méthodes de régulations : abattage par des chasseurs après avoir attiré les animaux dans des enclos, battues administratives, tirs de nuit avec caméras thermiques réalisés par des lieutenants de louveterie et des agents de l’OFB, etc. Il est également préconisé de renforcer la communication au grand public en soulignant le danger représenté par les ongulés non seulement lors des collisions avec les véhicules mais également au vu de leur implication dans la propagation de la maladie de lyme !
Enfin, la recommandation « choc » de ce rapport est le classement temporaire et localisé des cerfs et chevreuils en Espèces Susceptibles d’Occasionner des Dégâts (ESOD).
Les ongulés sauvages sont ainsi présentés comme le fléau de la forêt française. Aucun paragraphe du rapport n’est consacré à ses prédateurs naturels comme le lynx et les loups. Ces derniers sont d’ailleurs régulièrement abattus dans les zones d’expansion, c’est à dire hors de la zone historique de leur retour naturel (l’arc alpin) et ne peut donc pas jouer son rôle de prédateur. De même, aucune proposition de changement de pratique dans les méthodes de gestion forestière n’est exprimée pour permettre d’alléger la pression des cerfs et chevreuils sur les jeunes arbres. Des parades existent pourtant (lisières, maintien des ronciers, protection anti-chevreuils, maintien des forêts diversifiées…). Par ailleurs, ces solutions simplistes sont proposées en l’absence d’études scientifiques sérieuses.
En tout état de cause, ce rapport de l’ONF aurait dû faire état des dynamiques naturelles de prédation, et se fonder sur des études scientifiques sérieuses pour appliquer une gestion forestière véritablement durable et écologique.
On peut également s’étonner du fait que les incidences du réchauffement climatique soient imputées aux seuls ongulés alors qu’elles impactent fortement la reprise des jeunes arbres dans les plantations.
Il existe aussi certains doutes quand au fait que le réchauffement climatique favoriserait la prolifération des chevreuils. Une étude, parue dans la revue Faune Sauvage n°303, prouve a contrario l’incapacité constatée du chevreuil à faire face à l’avancée du printemps, ce qui pourrait placer l’espèce en réelle difficulté.
On ne peut que déplorer une fois de plus le manque de vision globale, ce qui a pour conséquence de n’envisager in fine que la seule la solution létale, que ce soit pour les ongulés ou leurs prédateurs.
Pourtant, dans le Drôme, les loups ont fait ce que les chasseurs n’arrivaient pas à faire et ce dont les agriculteurs et les forestiers rêvaient, à savoir réduire la population de “grands gibiers”. (Pour lire l’article de FNE à ce sujet, cliquez ici).
