Adret Morvan s’inscrit en faux contre le plan d’action de l’ONF, voici pourquoi :
Tout commence par la publication, en 2025, d’un rapport des services d’inspection du ministère de la Transition écologique (Igedd) et de l’Agriculture (CGAAER), portant sur l’évaluation du contrat 2021-2025 entre l’État et l’Office national des forêts (ONF) et les perspectives du contrat 2026-2030.
Ce que dit le rapport
Le constat de départ est le suivant : le changement climatique affecte durement les forêts (sécheresses répétées, attaques parasitaires, etc.) et les fragilisent. Selon ce rapport, les ongulés sauvages (cerfs, chevreuils, sangliers, daims, chamois, isards, mouflons et bouquetins) sont responsables d’une forte pression sur les forêts et compromettent les efforts de régénération naturelle et de plantation.
Il apparaît donc une augmentation des surfaces de forêts en déséquilibre, c’est-à-dire que la densité des ongulés sauvages sur une surface forestière ne permet plus la pousse des jeunes arbres.
L’étude pointe deux facteurs aggravants : d’une part le changement climatique qui favorise l’augmentation des populations d’ongulés et d’autre part, la baisse du nombre de chasseurs ainsi que la mise en place de plans de chasse obligatoires.
À savoir : l’Office Français de la Biodiversité utilise les indicateurs de changement écologique (ICE) dans le cadre de la stratégie de gestion adaptative de la grande faune, ce qui permet de maintenir des populations en bonne condition, avec des effectifs adaptés aux capacités des habitats, dans le respect des différents usages des espaces ruraux.
L’impact des ongulés sur les forêts est aussi économique. Selon l’ONF, les fédérations de chasse ne remplissent pas leurs obligations en terme de régulation des cerfs et chevreuils. Or, les dégâts commis sur les jeunes plantations ont un coût élevé pour l’État, qui s’inscrit dans le cadre des subventions d’investissement exceptionnelles pour le renouvellement forestier des programmes France Relance.
Le plan d’action de l’ONF
Face à ce casse-tête, l’ONF propose un plan d’action global de régulation des ongulés sur la durée du prochain contrat. Ce plan est applicable en fonction des impacts subis par les forêts, après recensement des dégâts. Il s’appuierait sur diverses méthodes de régulations : abattage par des chasseurs après avoir attiré les animaux dans des enclos, battues administratives, tirs de nuit avec caméras thermiques réalisés par des lieutenants de louveterie et des agents de l’OFB, etc. Il est également préconisé de renforcer la communication au grand public en soulignant le danger représenté par les ongulés non seulement lors des collisions avec les véhicules mais également au vu de leur implication dans la propagation de la maladie de lyme !
Recommandation « choc » de ce rapport, le classement temporaire et localisé des cerfs et chevreuils en espèces susceptibles d’occasionner des dégâts (ESOD)
Les espèces susceptibles d’occasionner des dégâts (Esod), anciennement « nuisibles » sont celles qui ont potentiellement des impacts négatifs sur la santé humaine ou celle du bétail, sur la faune et la flore, sur les activités agricoles ou forestières ou encore sur les biens matériels. Une synthèse des connaissances de la littérature scientifique a été réalisée par la Fondation pour la recherche sur la biodiversité en 2023 afin de déterminer si les “prélèvements” (la destruction d’individus) ont un effet sur la réduction des dégâts qui leur sont imputés.
Cette synthèse a permis entre autres de mettre en évidence que seuls les effets des prélèvements des Esod sur la réduction des dégâts sur la santé humaine et des troupeaux, et sur la prédation sur la faune sauvage et cynégétique font l’objet d’évaluation dans la littérature scientifique. Aucune étude portant sur l’effet de ces prélèvements sur les dégâts relatifs aux activités agricoles ni à la propriété privée n’a été retrouvée, alors qu’ils représentent une part importante des déclarations de dégâts, et entrainent le classement de ces espèces jugées comme responsables.
Ce qu’Adret Morvan dénonce
Une absence de remise en question des pratiques
Les ongulés sauvages sont ainsi présentés comme le fléau de la forêt française. Aucun paragraphe du rapport n’est consacré à ses prédateurs naturels comme le lynx et les loups. Ces derniers sont d’ailleurs régulièrement abattus dans les zones d’expansion, c’est-à-dire hors de la zone historique de leur retour naturel (l’arc alpin) et ne peuvent donc pas jouer leur rôle de régulateurs. De même, aucune proposition de changement de pratique dans les méthodes de gestion forestière n’est envisagée pour permettre d’alléger la pression des cerfs et chevreuils sur les jeunes arbres. Des parades existent pourtant (lisières, maintien des ronciers, protection anti-chevreuils, maintien des forêts diversifiées…). Par ailleurs, ces solutions simplistes sont proposées en l’absence d’études scientifiques sérieuses.
En tout état de cause, ce rapport de l’ONF aurait dû faire état des dynamiques naturelles de prédation, et se fonder sur des études scientifiques approfondies pour appliquer une gestion forestière véritablement durable et écologique.
On peut également s’étonner du fait que les incidences du réchauffement climatique soient imputées aux seuls ongulés alors qu’elles impactent fortement la reprise des jeunes arbres dans les plantations.
Le chevreuil, une espèce en réelle difficulté
Il existe aussi certains doutes quand au fait que le réchauffement climatique favoriserait la prolifération des chevreuils. Une étude, parue dans la revue Faune Sauvage n°303, prouve a contrario l’incapacité constatée du chevreuil à faire face à l’avancée du printemps, ce qui placerait l’espèce en réelle difficulté. Cela recoupe les observations faites récemment en 2025 en Bourgogne-Franche-Comté, ce qui pousse même les chasseurs à revoir sérieusement les plans de chasse qui concernent l’espèce. Et d’une manière générale, un peu partout en France, les chasseurs constatent un taux de mortalité accru sur les chevreuils, touchant surtout les adultes. Il est relevé dans le chasseur français que “plusieurs éléments ces dernières années viennent également interroger l’adaptation du chevreuil au changement climatique et plus largement celui des cervidés. Pour mémoire, en parallèle, depuis plusieurs années, on décrit quelques cas d’absence/rupture de diapause chez le chevreuil. Ainsi que des cas d’intoxications végétales chez le cerf y compris ceux en très bon état corporel“.
L’absence de vision d’ensemble
On ne peut que déplorer le manque de vision globale de la situation, ce qui a pour conséquence de n’envisager in fine que la seule solution létale, que ce soit pour les ongulés ou leurs prédateurs.
Pourtant, dans la Drôme, les loups ont fait ce que les chasseurs n’arrivaient pas à faire et ce dont les agriculteurs et les forestiers rêvaient, à savoir réduire la population de “grands gibiers”…
