Enquête publique : parc photovoltaïque-communes de Dirol et de Germenay

Voici les arguments dégagés par Adret Morvan . Vous pouvez vous en inspirer pour faire vos contributions à l’enquête publique. Vous avez jusqu’au jeudi 19 décembre à 17h30 pour transmettre vos contributions par mail à l’adresse suivante : pref-icpe-contact-public@nievre.gouv.fr

1/ Menaces sur la biodiversité, contradictions de l’étude et non-respect du droit

Les chauves-souris, espèce protégée en danger

Il y a deux colonies de grands murins, 2400 individus recensés, à Chitry-les-mines, donc à environ 5,1 km à vol d’oiseau du séchoir. Pour la chasse, le grand murin affectionne particulièrement les vieilles forêts, le bocage et les pâtures (voir la fiche descriptive du muséum d’histoire naturelle). Son domaine vital est en moyenne d’une centaine d’hectares pour un individu, le rayon moyen de dispersion est de 10 à 15km.  On ne peut qu’envisager l’impact qu’aura la construction de ce séchoir puisqu’il sera englobé dans leur terrain de chasse, il en est de même bien entendu pour la surface d’implantation des panneaux solaires de la centrale photovoltaïque.

Il y a aussi des petits rhinolophes à Germenay, ils étaient 110 en 2019. Des pipistrelles ont été également repérées dans le voisinage par des habitants.

La construction à venir impacte l’habitat et donc la survie de toutes ces espèces.

En France, toutes les chauves-souris sont protégées suite à la loi de protection de la nature de 1976. Il est strictement interdit de les détruire, de les transporter ou de les commercialiser, ainsi que de détruire ou détériorer leurs habitats.

L’alouette Lulu, une espèce protégée, en danger

Cet oiseau, présent sur le site, bénéficie d’une protection totale sur le territoire français depuis l’arrêté ministériel du 17 avril 1981 fixant la liste des oiseaux protégés sur l’ensemble du territoire. Il est donc interdit de la tuer, de la capturer, d’impacter sa nidification, de la perturber intentionnellement ainsi que de détruire, altérer ou dégrader son milieu de vie.

Or, comme le reconnaît l’étude d’impact, le projet détruira immanquablement leur habitat et les individus. Pour autant, il considère l’impact comme “moyen”, “si les travaux sont démarrés en période de nidification de l’espèce”. Quelle est la garantie apportée par l’exploitant à ce sujet ? Que répondez-vous à la problématique soulevée par le non-respect de l’arrêté du 17 avril 1981 ?

2/ Une topographie défavorable, un risque de pollution de l’eau important

La présence de 3 dolines est connue sur le secteur, assez près du lieu d’implantation du projet pour s’avérer problématique. Ces dolines témoignent du contexte karstique du site. Ce dernier est effectivement situé aux confins du karst Nivernais. Un contexte karstique implique un risque fort de contamination de l’aquifère comme l’a démontré l’hydrogéologue spécialiste du Karst Nivernais Alain Couturaud, ce qui ne va pas sans poser question quant à l’utilisation d’intrants prévue pour le fourrage. 

Les eaux de ruissellement alimentent les ruisseaux du Bouillon et des Bouilles, elles sont liées à l’Yonne. L’utilisation de produits chimiques destinés à la production de fourrage pourraient donc polluer les cours d’eau et les communes avoisinantes.

L’étude d’impact ne donne aucune information concernant l’usage prévisible de produits chimiques et leur impact.

Concernant le séchoir, le BRGM (bureau de recherche géologique et minière) précise bien qu’autant du point de vue de la protection que de la prévention, il est fortement déconseillé de construire dans les zones d’influence des dolines et autres phénomènes karstiques.

3/ Une zone humide détruite, en toute illégalité ?

Cinq habitats ont été identifiés comme humide sur 5,40 hectares. Ils sont protégés par la législation (arrêté du 24 juin 2008 modifié par l’arrêté du 1er octobre 2009 précisant les critères de définition et de délimitation des zones humides, en application des articles L. 214-7-1 et R. 211-108 du Code de l’environnement).

Ces habitats sont principalement en bordure de l’aire d’étude rapprochée dans les dolines, les mares et les fossés. L’étude considère qu’à l’échelle de la zone d’emprise du séchoir, les analyses réalisées ont mis en évidence l’absence de zones humides.

Nous considérons que la problématique des zones humides ne peut traiter le séchoir comme s’il était indépendant de l’ensemble du projet. Conclure à l’absence de problématique du séchoir en tant que tel sans l’inclure dans le projet global relève du procédé rhétorique et manque d’objectivité. Le projet de parc solaire, qui inclut un séchoir, est problématique au regard de la législation car il détruit des zones humides.

4/ Un fort “risque Incendie” et une prévention très insuffisante

Les risques incendies sont “forts” comme le souligne l’étude d’impact.

Ils sont liés aux milieux forestiers à 90 mètres du site, au séchoir avec une présence massive de foin séché et à de nombreuses installations électriques (onduleurs, batteries, poste de livraison).

Aucun plan de prévention contre les incendies n’existe sur les communes concernées par le projet.Si des aménagements de prévention incendie seront installés (réservoirs d’eau, accès pompiers) il est regrettable qu’aucune surveillance continue ne soit prévue sur le site. En cas de départ de feu, il faut donc considérer le temps de réaction de voisins – qui ne sont pas nécessairement présents à leur domicile, l’arrivée des pompiers (situés à au moins 15 minutes du site à Corbigny) et l’intervention elle-même consistant à se brancher sur les réserves incendie et à éteindre le feu. L’étude d’impact parle de façon extrêmement vague d’aménagements qui “doivent permettre et faciliter l’intervention rapide et efficace des pompiers en cas de déclenchement d’un incendie sur le site”, ne prenant en compte que la problématique du séchoir à “basse température”.

En conclusion, nous considérons que l’étude d’impact manque encore une fois d’objectivité dans l’analyse de l’ensemble des facteurs de risques incendie.

Nous considérons par ailleurs que les mesures de prévention  proposées par la société Nièvre agrisolaire ne sont pas suffisantes pour protéger du risque incendie dans un contexte de réchauffement climatique et de multiplication de feux importants, en France, chaque été.

Le projet représente donc un risque incendie fort qui met en danger l’activité, les habitats et les habitants vivant à proximité immédiate.  

5/ Un impact sonore largement sous évalué

Les nuisances sonores seront liées aux camions sur les routes, pendant les travaux qui dureraient un an, puis continueraient pour le transport du foin. Certains villages (Le Bouillon, Dirol, Sauvigny, Monceaux, La Brosse, Germenay) pourraient devenir très bruyants. Nous avons des inquiétudes également sur le bruit des onduleurs à proximité du parc, comme le montrent certains enregistrements sur d’autres parcs en France.

L’étude ne prend pas en compte le bruit important qui sera généré par la présence d’engins de chantier pour les habitats à proximité du site. Aucune donnée chiffrée n’est fournie concernant ces bruits.

L’étude assure l’absence de “ bruit notable émis par la production électrique” sans aucune donnée chiffrée. Plusieurs personnes ont émis des craintes concernant le bruit des onduleurs.

L’étude avance la “continuité des bruits émis par la production agricole”. Cette phrase est particulièrement vague. Aucune donnée chiffrée n’est fournie concernant ces bruits.

6/ Un impact paysager largement sous évalué

Le bâtiment séchoir a une surface de 1 296 m2 et une hauteur de 7 mètres.

L’étude d’impact du projet agrivoltaïque, évoque des “sensibilités liées au projet concernent essentiellement les parcelles périphériques, les habitants du hameau de Sougy ainsi que du lieu-dit le Bouillon, les abords du hameau des Millerins, ainsi que la route reliant Dirol à Sauvigny, avec des impacts allant de faible à modéré”.

Cette étude d’impact semble (volontairement ?) ignorer ou largement minorer la présence d’un habitat à quelques mètres du site. Est-il objectif de parler d’impact “faible à modéré” si l’on prend en compte cet habitat ?

L’étude ajoute : “lorsque la structure agrivoltaïque est perçue, elle apparaît comme une nappe noire-grise épousant les formes du terrain. Les haies plantées sur les périphéries du projet permettent de limiter fortement l’impact du projet et de limiter les covisibilités depuis le chemin de la forêt de Chatillon. Un aménagement paysager permettra de réduire l’impact des nombreuses structures imposants qui composent le site. Le chemin de la Forêt et le Bois Brûlé seront les lieux les plus impactés par la présence du projet”.

Pourtant, l’étude considère le niveau impact comme “faible”. Cette argumentation est biaisée et non objective : si les haies permettront probablement de cacher les panneaux solaires pour une personne située à quelques mètres des haies, elles ne le permettront pas pour une personne située à une distance plus importante.

Depuis le Bouillon, Sougy, les Millerins et Sauvigny,  la “masse noire-grise” de panneaux décrite par l’étude sera parfaitement visible, cassant l’unité des paysages et du patrimoine naturel. Les haies ne répondent donc que très partiellement à la problématique paysagère.

L’étude conclut justement : “la vue d’un parc photovoltaïque dans ce paysage encore préservé de grosses infrastructures humaines pourrait rompre la dominante naturelle qui s’en dégage”. Pourtant elle conclut à un “impact faible” et énonce des  “mesures d’évitement”  (entretien ou plantation de haies sur les périphéries du chemin de la forêt du Châtillon, au sud et au nord-est du projet) sans s’interroger sur l’efficacité de ce dispositif.

Nous considérons que l’étude d’impact n’est pas objective concernant le niveau d’impact paysager.

Par ailleurs, l’étude ne prend pas pas en compte l’impact visuel du séchoir, qui avec sa hauteur de 7 mètres de haut, ne sera absolument pas dissimulé par les haies. Concernant l’habitation au sein de l’AEI, l’étude signale que “les vues sur le projet sont importantes malgré la végétation proche l’entourant” et admet une sensibilité forte. Par conséquent, pourquoi retenir une mention globale d’“impact faible” ?

7/ Un impact immobilier totalement ignoré

L’étude ne fournit aucune information concernant l’impact des prix immobiliers des maisons avoisinant le site. Madame la commissaire pourrait-elle fournir des données concernant cet impact ?

L’étude d’impact affirme que le projet est “quasi exclusivement” concerné par des parcelles agricoles de grandes cultures. Cet usage du “quasi exclusivement” est surprenant alors qu’une habitation située à quelques mètres de la zone de culture et plusieurs habitations à proximité immédiate. 

8/ Un projet agricole peu crédible, 

La présence du séchoir est justifiée par un projet agricole, qui, en tant que tel est hautement problématique. L’étude d’impact n’analyse pas les problèmes soulevés par des agriculteurs locaux connaissant bien le terrain, et pointant le risque d’échec du projet.

Bouchage des drains, sol impraticable

Rappelons que le site est situé sur une ancienne forêt rasée par le propriétaire. Le site est donc une ancienne zone humide drainée sur la quasi totalité de la surface avec environ un drain tous les 20m (en général à environ 80 cm à 1 m de profondeur comme indiqué dans le dossier). Les drains sont posés en Y (de nombreux petits drains convergent vers un gros.

Actuellement il faut entretenir les drains car ils se bouchent régulièrement. Un drain bouché crée une mouille localisée. L’intervention consiste à creuser avec une minipelle ou un tractopelle pour retrouver le drain et changer la partie bouchée. Elle doit être réalisée chaque année.

Ces problèmes de bouchage de drains sont plus fréquents sur les zones enherbées (par exemple les bandes enherbées de « préservation » de l’eau pour filtrer les pollutions de produits phytosanitaires). En effet, les graminées s’installent et, en été, ont tendance à aller chercher l’eau dans le drain, alors que les céréales n’ont pas le temps d’aller trop profondément dans le sol.

La conséquence est que les drains risquent de se boucher en plusieurs endroits surtout en y semant de l’herbe qui va s’installer avec des racines plus longues que les céréales.

Hors après pose des panneaux et pose des câbles souterrains les interventions avec une pelle ou une mini pelle vont être impossible. Les zones de mouilles vont donc se multiplier sur les parcelles engendrant plusieurs problèmes.

Outre les problèmes de stabilité des panneaux, des problèmes de circulation des engins mais surtout la qualité de l’herbe vont se poser.

Pour faire pousser trèfles et graminées riches en protéines, il ne faut pas trop d’eau. Le risque est une prolifération des plantes indésirables de zone humide et, à terme, une mise en péril de la partie agricole du projet.

À ce problème s’ajoute celui des ronces qui vont se développer sous les panneaux et risquent d’impacter la qualité de l’herbe. Elles ne pourront pas faire l’objet de traitement mécanique, le traitement chimique est délicat et le traitement manuel fastidieux.

Les bouleaux ne demandent qu’à sortir dès qu’on arrête de travailler le sol (en un an le bouleau peut faire 1,5 m) et risquent de poser de graves problèmes à l’exploitant. 

Bris des panneaux solaires, refus de l’assurance

La culture au milieu des panneaux solaires sera probablement difficile. Le risque est “l’’accrochage” des panneaux et les jets de pierre par la faucheuse (avec un risque de casser les panneaux).

Il semble que l’assureur de la société ne veuille pas s’engager à assurer les panneaux sauf reste à charge substantiel pour l’exploitant. L’assureur a exprimé des doutes sur les conditions d’exploitation, trop contraignantes pour être viables.

9/ Une future friche industrielle ?

Le projet agricole peut apparaître comme un “cache sexe” du projet solaire – la législation protégeant les terres agricoles – mais l’absence de crédibilité du premier questionne la crédibilité du second.

Si le projet agricole s’avère peu réaliste, on peut s’attendre à ce que l’exploitant l’abandonne pour se consacrer à l’activité véritablement lucrative : la production électrique. Mais alors, le projet ne respecterait plus la législation.

L’autre risque est que le projet ne soit pas globalement viable. L’étude d’impact a fourni peu d’éléments analysant la crédibilité du projet agricole et la viabilité du projet dans son ensemble.

Un agronome ayant étudié le projet initialement avait prédit « tout cela va finir en friche industrielle ».

Quel est l’engagement de l’industriel en cas de faillite ? Le risque de voir des dizaines milliers de panneaux solaires abandonnés dans les champs est-il exclu ?

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