Adret Morvan a participé en mai dernier à l’un des deux ateliers organisés par le Conseil départemental de la Nièvre et le SIEEEN (Syndicat Intercommunal d’Énergie, d’Équipement et d’Environnement de la Nièvre) sur les énergies renouvelables et leur développement. Cet atelier consistait à échanger brièvement avec divers acteurs du territoire (élus, associations…) dans le but d’élaborer une stratégie départementale relative aux énergies renouvelables.
Nous avons reçu le mois dernier le plan d’action issu de cette consultation, afin que nous puissions donner notre avis. Le document final, qui nous l’espérons tiendra compte de notre retour, ne nous sera présenté qu’à l’automne, probablement fin octobre.
Voici donc notre contribution :
Dans votre document, il est spécifié que “la filière énergétique pour la biomasse solide est particulièrement bien identifiée par la région Bourgogne-Franche-Comté qui place le bois énergie en tête des potentiels de production d’énergie renouvelable pour la Nièvre”.
Or pour nous, le bois ne peut et ne doit être qu’une énergie locale et de dernier recours.
Contrairement à ce qui se dit, la combustion de bois n’est « neutre » en carbone que lorsque la croissance d’un nouvel arbre viendra compenser la combustion du précédent. Brûler du bois crée une dette carbone de la durée de l’âge de l’arbre coupé.
Couper une forêt de 60 ans pour le bois énergie crée donc, sans compter les émissions annexes (machines, abattage, débardage, transport, broyeurs…), une dette carbone d’au moins 60 ans, dans des conditions d’accroissement d’une forêt en bonne santé.
Or, non seulement les échéances impératives liées au changement climatique sont beaucoup plus courtes, mais ce réchauffement climatique, et plus généralement la crise écologique, entraînent une accélération de la mortalité des arbres et une multiplication de crises (incendies, sécheresses, proliférations, etc.), donc un ralentissement du puits de carbone des forêts.
L’IGN a ainsi noté dans son rapport sur l’évolution des forêts françaises sur la période 2015-2021, alors que nous n’avions pas encore dépassé l’échéance de 1,5 degrés des accords de Paris, :
– une hausse de près de 80 % de la mortalité des arbres ;
– un ralentissement global de la croissance des arbres de 4% ;
– une diminution d’un tiers du puits de carbone annuel, malgré l’accroissement du couvert forestier.
Il est donc fort peu probable que les nouveaux arbres bénéficient d’une croissance à un rythme identique à ceux qui ont été brûlés. Il est au contraire malheureusement probable que les forêts françaises souffriront davantage dans les décennies à venir surtout si, pour assumer des objectifs en biomasse, est poursuivie la tendance à la production dédiée « bois énergie », aux coupes fortes, voire aux coupes intégrales où l’arbre entier est exporté avec branches et feuilles, ce qui est une catastrophe pour l’avenir des sols forestiers.
Le bois énergie ne doit pas se développer au détriment de la biodiversité forestière qui doit impérativement être préservée pour permettre une résilience de la forêt et plus généralement une survie des écosystèmes indispensables à l’homme.
Les conditions pour un usage responsable du bois énergie sont :
– une production et une consommation la plus locale possible, ce qui implique une orientation du soutien public vers un maillage territorial d’unités de transformation locales, plutôt que vers des structures de grande taille ambitionnant un approvisionnement et un marché national, voire international ;
– un bois issu d’une sylviculture douce qui évite la coupe rase ou les sylvicultures agressives et permet le maintien du caractère forestier et de la biodiversité en place ;
– une gestion des produits de la forêt en cascade : le bois énergie ne doit pas se substituer à d’autres usages du bois plus pérennes qui permettent de stocker le carbone plus longtemps. La sylviculture à couvert continu et diversifié répond là encore à l’enjeu en produisant d’abord du bois d’œuvre. et ensuite des sous-produits dont la biomasse.
– à noter que les appels d’offres « bois énergies » groupées de communes auprès d’opérateurs moyen ou gros sont contre-productifs, rendant toute maîtrise des points évoqués ci-dessus très complexe.
En conclusion, le bois énergie n’est pas la panacée avancée par certains. Sa promotion fait abstraction du temps long forestier, incompatible avec le court-terme des marchés financiers et occulte l’état réel des écosystèmes forestiers.
Plutôt qu’encourager l’augmentation de la production de bois énergie, la Nièvre, 6e département comptant le plus de passoires thermiques en France (37% des logements selon l’Ademe), doit plutôt choisir d’abord la préservation de ses forêts et orienter la production vers le bois d’œuvre ainsi que vers tous les produits susceptibles de réduire la consommation d’énergie, dont le coût devient insupportable pour le climat et pour le budget des citoyen·es : le bois, avant d’être un combustible, est d’abord un isolant.
Par ailleurs, nous avons cosigné la contribution des EnR (Energies renouvelables Réunies), qui aborde les choses plus largement (économie d’énergie, priorisation des installations photovoltaïques sur les parkings, les aires d’autoroute, etc)
Bien entendu nous ne manquerons pas de vous tenir informé.es de la suite et des conclusions issues de ces échanges.