Coupes rases sur le site du Mont Préneley (Nièvre)
Communiqué de presse de : Association La Bresseille / Autun Morvan Ecologie / Adret Morvan / FNE Bourgogne / Groupements forestiers GFSFM et Chat sauvage / Les amis de notre forêt au Duc / ADENY / Yonne nature environnement
Le site du « Mont Préneley et des sources de L’Yonne » est classé depuis le 24 mars 2000 avec pour objectif de préserver le paysage, la forêt et la biodiversité de ce massif de 900 hectares. Et pourtant, l’État autorise des travaux forestiers – coupes rases et monoculture de résineux – qui portent une atteinte grave à la préservation de ce site remarquable. 9 associations demandent donc au ministre de la Transition écologique de mettre fin à ces coupes.
Le Mont Préneley et les sources de L’Yonne : Un site doublement classé
Le Mont Préneley est le deuxième sommet du Morvan (855 m) . Il est recouvert dans sa partie sommitale par la dernière grande hêtraie montagnarde du Morvan d’une surface de 102 hectares, propriété du département de la Nièvre. Sur la partie Est du mont se trouve une tourbière remarquable dans laquelle l’Yonne prend sa source. Le site est en partie classé natura 2 000.
En mars 2000, l’ensemble de ce territoire de 900 hectares dont 600 ha de forêts-essentiellement composées de feuillus – a été classé par le ministère de l’environnement pour « préserver les éléments du paysage et de l’occupation traditionnelle et culturelle du Haut Morvan ». Les orientations fixées par l’état pour la gestion des forêts sont « le maintien d’un couvert forestier dans le temps, la gestion irrégulière des boisements, l’évitement des coupes rases, la replantation des parcelles boisées en feuillus à 100 % ou au minimum 66 % par bouquets, paquets d’essences…. » ( brochure de la DREAL. Septembre 2016).
Ce site bénéficie d’un nouveau label depuis le 5 août 2022 : Avec le Mont Beuvray il fait désormais partie du Grand Site de France « Bibracte-Morvan des sommets » , un classement rare – seulement 21 sites en France dont les gorges du Verdon et les falaises d’Étretat— justifié par la grande valeur patrimoniale de ce territoire.
Quand l’État autorise les coupes rases…
Depuis plusieurs mois, notre association est alertée par des habitants de Villapourçon, une des communes concernées par le site. Des coupes rases de parcelles de feuillus sont pratiquées, en opposition totale avec les orientations de gestion définies par l’État.
Le classement du site oblige les propriétaires à demander une autorisation spéciale pour tous travaux et aménagements. C’est la DREAL, antenne régionale du ministère de la transition écologique, qui accorde ou non cette autorisation. Sans ce feu vert, une coupe constitue un délit (peines d’amendes et d’emprisonnement)
Le 29 octobre dernier, un riverain nous signale une coupe rase dans le bois de Carrouge (commune de Villapourçon) . Une parcelle de 4 800 m2 de feuillus coupée en une seule journée. Elle appartient à un forestier de Saône-et-Loire, connu pour avoir pratiqué une coupe illégale sur une autre parcelle et poursuivi en justice pour ces faits. Mais en dépit de ce passif, ce forestier a bien obtenu l’autorisation de la DREAL pour procéder à une coupe à blanc dans le bois de Carrouge.
Les riverains de Villapourçon nous signalent alors une autre coupe rase de feuillus de plusieurs hectares au lieu-dit « Carré-la-rose », également dans le périmètre du site classé. Elle a été réalisée à l’automne 2021. Et là encore, l’État a donné son autorisation. Pour ces deux exemples, les arbres étaient sains, il ne s’agit pas de coupes sanitaires.
Au total, et sans procéder à un inventaire exhaustif, nous avons identifié a minima une vingtaine de parcelles concernées ces dernières années par des coupes à blanc. En contradiction totale avec les orientations de gestion du site qui prévoient de maintenir le couvert forestier et d’éviter les coupes rases. Un rapide coup d’œil sur les photographies aériennes du site Géoportail permet d’apprécier l’ampleur de ces travaux.
De plus, il apparaît que nombre de ces parcelles se situent au-dessus de la rivière La Dragne, laquelle se déverse dans le barrage de Rangère, une retenue d’eau bâtie pour l’alimentation en eau douce de nombreuses communes du sud-Morvan.
Quand le Parc Naturel Régional du Morvan intervient … en vain
Le président du Parc Naturel Régional du Morvan est intervenu à plusieurs reprises auprès de l’État. Voici le témoignage de Sylvain Mathieu écrit le 31 octobre 2022 sur le compte Facebook de l’association « La Bresseille »:
« C’est un sujet qui m’agace fortement : ce site a été classé en 2000 , or depuis les coupes rases de feuillus suivies de plantations de Douglas n’ont jamais cessé. En 2017, en tant que vice-président de la région en charge des forêts, j’avais déjà saisi l’état (Sous préfecture de Château Chinon et DREAL) pour faire un point global pour comprendre cette situation et le cas échéant, sanctionner les coupes illégales et obliger à replanter en feuillus. En 2018, en tant que président du Parc – qui n’a aucun pouvoir réglementaire, je le rappelle – j’avais signalé aux services de l’état une coupe rase illégale qui venait d’être faite. L’exploitant a été verbalisé par l’Office Français de la Biodiversité et le Parc s’est constitué partie civile. Jugement initialement prévu au printemps 2022 reporté à janvier 2023…
En 2021, j’ai à nouveau saisi les services de l’état pour une coupe rase située dans le site classé et supposée illégale. Ô surprise, cette coupe avait été validée dans le plan simple de gestion de cette forêt, agrée par le Centre Régional de la Propriété forestière ! Invraisemblable ! Quand l’état délègue une mission régalienne à un organisme dirigé par de gros propriétaires privés, voici ce qui arrive : on se retrouve en situation de conflits d’intérêts et la défense de l’intérêt général n’est plus garantie. »
Quand l’État régularise une infraction….
Alors que la réalisation d’une coupe sans autorisation est un délit, l’État semble parfois faire preuve d’une grande mansuétude. Un propriétaire de trois parcelles d’une surface totale de 2,7 ha, coupées à blanc sans accord de l’État, a bénéficié il y a quelques années d’une régularisation à postériori. Au motif qu’il ne savait pas que le site était classé alors que l’information est de notoriété publique et que le forestier en charge des travaux travaille dans le haut Morvan depuis des années.
Coupes rases : Une méthode radicale décriée par de nombreux scientifiques
La coupe rase désigne en gestion forestière l’abattage de l’ensemble des arbres sur une parcelle. C’est une méthode destructrice des paysages et des sols qui se pratique dans plusieurs régions de France dont le Morvan. Elle est interdite dans de nombreux pays européens comme l’Italie, la Slovénie ou la Suisse, très restreinte dans d’autres pays comme l’Allemagne.
Deux rapports scientifiques récents (Expertise collective CRREF demandée par le ministère de la transition écologique et le ministère de l’agriculture / Conseil scientifique du Parc régional naturel du Morvan) décrivent les nombreux effets négatifs des coupes rases : risque d’érosion, de tassement des sols, de perte de carbone et d’éléments minéraux des sols, d’élévation des températures….. Les scientifiques sont unanimes pour préconiser l’exclusion des coupes rases dans les zones pentues ou le risque érosif est très élevé. Or le site du Mont Préneley, territoire de moyenne montagne est constitué en quasi-totalité de pentes.
Replantation sur le site du Mont Préneley : la part belle aux résineux
Sur les parcelles ayant fait l’objet de coupes rases, nous observons que beaucoup sont replantées en Douglas (bois de Carrouge, bois Taradou) , les plants de feuillus étant minoritaires. Le site, réputé pour sa hêtraie montagnarde, a pourtant vocation à être un territoire emblématique de la futaie irrégulière de feuillus. C’est ce qui a en partie motivé son classement en mars 2000. Une nouvelle fois l’État ne respecte pas les orientations qu’il a lui-même fixées : « replantation des parcelles boisées en feuillus à 100 % ou au minimum 66 % par bouquets, paquets d’essences » . Brochure de la DREAL. Septembre 2016.
Certaines parcelles sont exclusivement replantées en résineux alors qu’il est aujourd’hui admis que la monoculture fragilise les écosystèmes et que les forêts mélangées sont les plus résilientes face au dérèglement climatique.
Contact presse : Valérie Bernadat — Association La Bresseille — 06 12 96 55 64 —contact(a)labresseille.fr
15 décembre 2022