Samedi 8 août 2020 au Carrouège était organisé une causerie sur la PAC ; en dépit de la chaleur, une trentaine de participants a partagé ses connaissances, fait part de ses interrogations et doutes. Un grand merci à Sarah Minelli pour ses interventions toutes pertinentes.
Qu’est ce que la PAC ?
Crée en 1962 pour assurer un revenu minimum aux agriculteurs, la Politique agricole commune verse plusieurs types d’aides en fonction de deux piliers :
- Le premier pilier représente 70% du budget de la PAC. Il attribue des aides dites directes aux agriculteurs. Ces aides consistent en un revenu de base qui n’est pas lié à ce qu’ils produisent ni aux modes de production, mais à la surface qu’ils exploitent et à leur potentiel de productivité.
- Le deuxième pilier porte sur le développement rural. Il a la particularité d’être co-financé par de l’argent européen et de l’argent national (venant de l’État, des collectivités territoriales, ou encore des Agences de l’eau). Il apporte un soutien complémentaire aux agriculteur s en situation de désavantage compétitif du fait de la zone géographique dans laquelle ils ou elles sont situés, de leurs pratiques ou du démarrage de leur activité. Il accompagne aussi l’évolution des fermes vers plus de compétitivité ou une meilleure prise en compte de l’environnement.
- L’organisation commune des marchés régit les interventions de l’UE sur les marchés de produits agricoles en cas de crise et appuie la structuration de certaines filières. Elle sert aussi de garde-fou aux importations et exportations de produits agricoles. Les agriculteurs ne touchent pas d’aides par le biais de l’organisation commune des marchés.
- La PAC représente un budget de 9 milliards d’euros par an pour la France et revient à 114 euros par habitant et par an.
Qui gère la distribution des aides ?
En France, la PAC est gérée par le ministère en charge de l’agriculture, ainsi qu’en partie par les Régions pour ce qui relève du développement rural. La France est l’État membre de l’UE qui bénéficie le plus du budget de la PAC : elle reçoit environ 9 milliards d’euros par an soit 114 euros par habitant et par an. . Ces aides sont très majoritairement versées aux agriculteur· français, mais une toute petite partie est également allouée à des acteurs du secteur forestier, à des structures d’animation territoriale en zones rurales, ainsi qu’à des groupements chargés de la commercialisation de certains types de produits.
Y a-t-il des contrôles ?
Oui en 2005 des règles de conditionnalité ont été introduites pour garantir une agriculture plus durable et favoriser ainsi une meilleure acceptation de la PAC par l’ensemble des citoyens. 6 pages sur le site du ministère de l’Agriculture expliquent ce qu’est la conditionnalité et comment sont organisés les contrôles. Pour les BCAE, c’est la direction régionale de l’Agence de services et de paiement (DR ASP)
Comment est-on impacté par la PAC ?
La Politique Agricole Commune (PAC) structure le modèle agro-alimentaire européen. Elle ne concerne pas uniquement les agriculteurs qui touchent des aides, mais bien chaque citoyen, en tant que consommateur, contribuable, électeur, promeneur, parent, etc.
La politique agricole de l’UE a ainsi un impact direct sur biens des aspects de la vie quotidienne des citoyens
Alimentation, santé publique, environnement, bien-être animal, dynamisme des zones rurales, coût des denrées, Paysages, place des paysans dans la société.
Bilan de l’actuelle PAC
Une politique coûteuse et mal répartie, une agriculture ne pensant pas à l’alimentation, une pression exacerbée sur la nature et les paysans, une dérégulation des échanges nord sud au détriment de l’autosuffisance alimentaire des pays du sud, un manque d’incitation à la transition vers l’agroécologie, des aides au développement rural (2ème pilier) louables mais ne faisant pas le poids par rapport au premier pilier, un manque de transparence dans la gouvernance.
Que reproche-t-on à la PAC actuelle ?
D’être restée sur la ligne de 1962, de favoriser, grâce au premier pilier, la concentration des exploitations, de favoriser le productivisme au détriment de la biodiversité, de l’emploi et du bien-être animal, de détruire les paysages et de polluer (algues vertes, emploi de pesticides, maladies environnementales ) et de favoriser les fraudes. Une récente enquête du New York Times le confirme
Pouvons-nous donner notre avis ?
Oui à travers le débat public ImPACtons ! https://impactons.debatpublic.fr/de-quoi-on-parle/quelle-agriculture-pour-2021-2027/ qui reprendra en septembre.
selon le projet de règlement européen COM (2018) 392, chaque État membre de l’UE doit présenter à la Commission européenne un Plan stratégique national (PSN).
Le débat public ImPACtons! vise à faire en sorte que ce premier plan stratégique national français soit élaboré en prenant en compte l’avis des citoyens. Interrompu par l’épidémie de COVID 19, le débat reprend en septembre, en ligne ou en soirée (mais elles sont peu nombreuses). Nous pouvons aussi en organiser une. Deux soirées pour le débat public
POLIGNY BFC le 6 octobre « Quelle transition agro-écologique pour l’agriculture ? »
BOURGES centre val de loire le 9 octobre « Demain, quels agriculteurs et combien ? »
Pourquoi s’interroger sur la politique agricole pour 2021-2027 ?
Ces dates correspondent à la programmation de la PAC, Politique Agricole Commune, qui est revue tous les 7 ans et l’Europe introduit une gestion nationaliste : selon le projet de règlement européen COM (2018) 392, chaque État membre de l’UE doit présenter à la Commission européenne un Plan stratégique national (PSN).
La nouvelle PAC (2021-2027), en cours de négociation, sera basée sur 10 objectifs (9 objectifs spécifiques et 1 objectif transversal) que chaque État membre doit respecter :
- Favoriser des revenus agricoles viables et la résilience sur le territoire de l’Union pour renforcer la sécurité alimentaire;
- Améliorer l’adaptation aux besoins du marché et accroître la compétitivité, notamment en mettant davantage l’accent sur la recherche, la technologie et la numérisation ;
- Améliorer la position des agriculteurs dans la chaîne de valeur ;
- Contribuer à l’atténuation du changement climatique et à l’adaptation à ce dernier, ainsi qu’au développement des énergies durables ;
- Favoriser le développement durable et la gestion efficace des ressources naturelles, telles que l’eau, les sols et l’air ;
- Contribuer à la protection de la biodiversité, renforcer les services écosystémiques et préserver les habitats et les paysages ;
- Attirer les jeunes agriculteurs et faciliter le développement des entreprises dans les zones rurales ;
- Promouvoir l’emploi, la croissance, l’inclusion sociale et le développement local dans les zones rurales, y compris la bioéconomie et la sylviculture durable ;
- Améliorer la réponse du secteur agricole européen aux attentes sociétales en matière d’alimentation et de santé, notamment en matière d’alimentation saine, nutritive et durable et de bien-être animal.
- Objectif transversal : Encourager la modernisation, accompagner la transition numérique et partager le savoir et l’innovation.
Y a -t-il des suggestions ?
Réflexion de Frédéric Ducourtieux dans Agriculture Stratégies
… pour prochaine PAC, la négociation sera plus difficile pour les Etats membres qui cherchent habituellement à rendre ces mesures les moins contraignantes possibles. En revanche, jusqu’alors la Commission européenne s’était bien gardée de se positionner sur le sujet de l’évolution et de la diversité des structures agricoles en Europe. A propos des régulations nationales des marchés fonciers, elle s’en était surtout tenue à des principes considérant la plupart des limites à la mobilité marchande de la terre comme licites dès lors qu’elles n’impliquent pas de critère quant à la nationalité des acheteurs. Pour plus de précision voir l’article Dans quelle mesure les politiques foncières agricoles peuvent-elles être euro-compatibles?.
Mais, compte tenu des phénomènes d’investissements fonciers à grande échelle dans l’ensemble de l’UE qui ont conduit à des prises de position politique notamment du Parlement européen –le Rapport Noichlen 2016 –et plus récemment du nouveau Commissaire à l’Agriculture, le polonais Janusz Wojciechowski2, on voit mal comment la Commission européenne pourrait échapper à une clarification sur ce thème des structures. Il en va en effet également des principes et des valeurs de l’Union européenne. Souhaite-t-on toujours maintenir une agriculture de type familial où l’on encourage la responsabilisation et la liberté d’entreprendre d’individus sur des territoires vivants, socle de l’Union européenne depuis sa création ?
Ou à l’inverse, doit-on considérer que les valeurs de l’Union européenne sont remises en cause par des mouvements de concentration des terres qui traduisent une reféodalisation des campagnes ?
Enfin, sachant que Bruxelles et Washington ont entamé un bras de fer sur les aides découplées européennes devant l’OMC suite aux mesures anti-dumping américaines sur les olives de table espagnoles, faut-il voir un lien avec l’intérêt porté sur la PAC par les journalistes du New York Times? On ne peut pas l’exclure, mais paradoxalement c’est peut-être plutôt une chance pour sortir la PAC de l’impasse. Rappelons-le, les aides découplées de la PAC répondent surtout à une logique de consommation budgétaire; faute de prise en compte des prix, elles sont inefficaces face aux crises agricoles; faute de lien à la production, elles sont inefficaces pour accompagner les agriculteurs dans la transition agro-écologique. Vue depuis les Etats-Unis où le Farm Bill a largement recourt à une large palette d’outils d’intervention efficaces (aides contracycliques, régulation de l’offre, stimulation de la demande, outil de partage de la valeur ajoutée au sein des filières, plafonnement des aides à l’exploitation), la PAC dans sa version actuelle ne peut faire figure d’exemple. Il y a peut-être là un sujet pour les journalistes européens qui voudront alimenter le débat sur la PAC ….
Sites consultés :
Commission Nationale du débat Public
1 rue Madame –75 006 Paris -www.agriculture-strategies.eu-@AgriStrategies -+ 33 1 56 58 51 5