C’est un dialogue de sourds qui s’est tenu dans un froid glacial le lundi 6 mars au matin, dans le bois du Chat, près de Tarnac (Corrèze). La coupe rase qui le menace ayant été retardée grâce à la mobilisation d’un collectif d’habitants, la filière industrielle avait à son tour organisé une manifestation. Alors que le comité de défense du bois du Chat était venu pour tenter de dialoguer, les représentants de la filière et certains élus ont déroulé les éléments de langage les plus convenus, sans être en capacité d’échanger dignement sur l’avenir de la forêt avec les opposants à la coupe rase. Une promesse toutefois a été faite d’organiser un débat construit, mais à une date indéterminée.
Le bois du Chat est l’une des dernières forêts de feuillus du Limousin, de plus situé sur un site Natura 2000, c’est-à-dire, selon le Centre de ressources coordonné par l’Office français de la biodiversité, « désigné pour protéger un certain nombre d’habitats et d’espèces représentatifs de la biodiversité européenne ». La classification est européenne et les États sont censés assurer leur protection. Cela n’a pas empêché la propriétaire du bois du Chat d’obtenir une autorisation pour couper à ras, donc détruire l’intégralité de la biodiversité du site. Pire : les travaux prévus prévoient la replantation du site en une monoculture de résineux.
Au moment où nous écrivons ces lignes, le bois du Chat est encore debout, grâce à la mobilisation de la population. Le 13 février dernier, des manifestants présents sur le site ont accueilli les bûcherons avec le café et les croissants… L’équipe de bûcheronnage, ayant constaté l’impossibilité de travailler en présence du public, s’est alors retirée. Deux semaines plus tard, l’entreprise Argil, responsable du chantier, a décidé de renvoyer une nouvelle équipe, ce qui a déclenché à nouveau une mobilisation des habitants et un arrêt du chantier par les gendarmes pour des raisons de sécurité.
Pour conserver le bois en l’état, le Parc naturel régional de Millevaches a proposé, sans succès, d’indemniser la propriétaire. Cette dernière est soutenue par la filière industrielle du bois qui appelle à une manifestation de soutien à la coupe rase sur le site le lundi 6 mars 2023…
Cette mobilisation emblématique des dérives de la sylviculture française a rapidement dépassé le cadre local car elle met en relief le pire itinéraire sylvicole, encore très courant dans le Limousin, le Morvan, voire les Landes : le remplacement des forêts feuillues autochtones en bonne santé par des monocultures de résineux. Dans le contexte d’effondrement de la biodiversité et du changement climatique, cette pratique est délétère pour le stockage du carbone, destructrice de la biodiversité, crée un tassement des sols par la mécanisation qui l’accompagne, impacte négativement la qualité la l’eau… bref, une sylviculture surréaliste au regard des enjeux actuels mais toujours soutenue par l’État sous influence de la posture caricaturale des représentants de la filière bois.
Pour sa part, l’association Canopée, membre du collectif SOS forêt, tente avec le comité de défense du bois du Chat de créer le dialogue sur le terrain. Ils sont soutenus dans leur démarche par plusieurs députés français et européens. Le 6 mars, la députée Catherine Couturier, présidente de la mission d’information parlementaire sur Mission d’information sur l’adaptation au changement climatique de la politique forestière et la restauration des milieux forestier, était présente. La France, contrairement à ces engagements, n’a en effet toujours pas pris de mesures dignes pour la préservation de la biodiversité, notamment en forêt.
« C’est le moment de s’écouter et de réfléchir ensemble », écrit le collectif de défense du bois du Chat, mais le dialogue n’est pas facile à instaurer quand le préfet de Corrèze semble vouloir jeter de l’huile sur le feux en sous-entendant un lien des opposants avec « la mouvance d’ultragauche violente ». À lire la liste des signataires de la tribune en soutien au bois du Chat, publiée sur le site de Mediapart, qui rassemble des maires, élus locaux, conseillers régionaux, députés français et européens, scientifiques, artistes, représentants d’associations environnementales, professionnels de la forêt du bois, on en est pourtant loin…
En attendant qu’une date soit fixée pour le débat, les recours juridiques sont lancés, un sérieux doute pesant notamment sur la conformité du plan de gestion.
Le résumé en vidéo par Bruno de Canopée :